Plus le monde se complexifie, plus nous avons besoin de leviers qui vont à l’essentiel,
Réussir une transformation résulte d’un bon maillage entre des équipes dirigeantes qui inspirent et impulsent, des lignes managériales qui concrétisent et déploient, des accompagnants internes qui consolident et pérennisent au plus près du terrain et des personnes,
Ces 3 catégories d’acteurs ont besoin d’être reconnus dans leurs complémentarités et leurs limites,
Ils ont besoin d’être accompagnés d’une manière spécifique et innovante qui tienne compte de ces complémentarités.
Les modèles mentaux avec lesquels nous avons évolué jusqu’à présent nous ont permis d’arriver là où nous sommes aujourd’hui, mais rendent difficile l’acquisition de postures et comportements adaptés aux nouvelles réalités du monde.
De nombreux projets de
transformation et programmes destinés aux managers sont mis en œuvre, les uns
après les autres. Ils font toujours progresser, mais peinent à intervenir
auprès des modèles mentaux.
Le risque est alors qu’avec des organisations
innovantes perdurent des postures et comportements dont la dlc est dépassée !
Qu’est-ce qu’un modèle mental ?
Dit simplement, nos modèles
mentaux sont nos manières de voir, interpréter, donner du sens, agir et
anticiper les résultats de nos actions dans le monde qui nous entoure.
Ce sont les schémas qui sont
engrammés en nous depuis fort longtemps, et que les événements de la vie,
parfois brutaux, nous invitent à revisiter.
Mais nous pourrions aussi
traverser toute notre existence avec les mêmes modèles mentaux, au risque de
nous déconnecter de plus en plus avec ce qui se passe autour de nous.
C’est une notion complexe, donc
ne rajoutons pas de complication à cette complexité et tentons une métaphore.
Celle qui me vient est issue de
la nature et de choses très simples qui m’entourent, comme souvent.
La situation de départ en une phrase
Il nous manque de la place pour
planter quelques salades supplémentaires, le potager affiche complet, et
d’ailleurs elles n’y réussissent pas si bien que ça cette année, malgré un
respect méticuleux des conseils prodigués par nos amis spécialistes.
Les solutions que notre modèle mental traditionnel nous inspire
Plusieurs options :
agrandir le potager
ajuster notre consommation à la production,
revoir les tailles de parcelles du potager affectées à chaque type de légume,
changer de variété de salade,…
Le modèle mental sous-jacent
pourrait se résumer de la manière suivante : un légume est une plante potagère,
par opposition à une plante d’agrément. Une plante potagère est nécessairement
cultivée dans un potager ou dans un bac de permaculture dédié.
L’option qu’un modèle mental alternatif nous inspire
Nous tentons de planter quelques pieds
de salades dans des espaces généralement dédiés à l’ornement, par exemple sous
la protection et en compagnie d’un petit sapin d’agrément. Peu de chances de
réussite, mais on va tenter, on n’a rien à perdre.
Le modèle mental alternatif
pourrait s’exprimer ainsi : les catégories « plante potagère »
et « plante d’agrément » n’ont plus de sens, les plantes savent
mobiliser naturellement leurs ressources pour jouer les complémentarités entre
elles, et à partir de là un sapin et une salade peuvent mutuellement s’apporter
des nutriments, se protéger, voire s’embellir.
Le résultat
Et puis voilà qu’après un début
laborieux, quelques tentations de revenir à l’ordre ancien, ces salades se sont
mises à grandir, s’épanouir, se magnifier. Et pourtant les conditions
objectives ne sont pas réunies, la terre n’est pas idéale, l’exposition non
plus, sans compter les sourires amusés de nos amis qui nous rangent dans la
catégorie des originaux.
Quelques ingrédients
transposables dans les transformations de nos organisations
Test & learn : faire d’abord, surfer sur la joie d’essayer, accepter de se tromper, apprendre par petites étapes, ajuster au fur et à mesure
Persévérer : poser un acte, se méfier de la tentation de revenir en arrière lorsque les résultats n’apparaissent pas de suite, suivre ses intuitions, et essayer encore et encore,
Laisser un peu de temps : accepter que les choses qui poussent ne se voient pas de suite, résister à son envie de se rassurer et de tirer sur la salade pour qu’elle pousse plus rapidement,
Se méfier de la logique pure : le modèle « causes – effets – conséquences » appliqué aux situations complexes nous renforce dans nos modèles mentaux. Accepter qu’une bonne décision soit aussi le fruit d’un mélange d’intuition, de conviction, de challenge, de risque,…
Confiance : en soi, en ses intuitions, en la capacité des autres à prendre les choses en charge à partir du moment où on leur laisse l’espace et le temps pour le faire
Et comment travailler les modèles mentaux en pratique ?
En individuel, dans le cadre d’une relation de coaching,
Avec une équipe, lors d’une supervision d’équipe,
Au niveau de toute une organisation, en démarrant un travail avec l’équipe de direction
La démarche est subtile et nécessite quelques pré-requis. Quelle que soit la modalité utilisée, il s’agit en somme :
De mettre à jour les modèles mentaux qui régissent les modes de réflexion et d’action de la personne, de l’équipe, de l’organisation,
Les nommer, les caractériser, reconnaître ce qu’ils ont permis de réaliser jusqu’à présent,
Reconnaître aussi, quand c’est le cas, leur date de péremption pour une situation donnée,
Identifier des modèles mentaux alternatifs, en sélectionner un,
Faire un travail de stretching entre les modèles mentaux en place et les modèles alternatifs,
Identifier les jalons, et les ressources dont on a besoin
Et démarrer l’entraînement…
Le tout avec légèreté,
De l’humour lorsqu’il s’agit de
regarder avec bienveillance la manière dont nous continuons à faire toujours
plus de la même chose quand quelque chose ne va pas,
De la modestie lorsqu’il s’agit de se doter de modèles mentaux alternatifs, que cela nous désoriente et nous met en zone inconnue, que nos collaborateurs nous regardent avec circonspection, que les résultats ne sont pas tout de suite au rendez-vous,
Une équipe a besoin de rituels, de rencontres
sincères et de points de repère.
Il y
a de multiples manières pour répondre simplement à ces besoins.
Les
pratiques de pilotage visuel sont par exemple pertinentes pour assurer ces
fonctions, mais trop de focalisation sur l’outil, pas assez de co-construction
et un manque de persévérance dans la mise en œuvre en limitent les effets
bénéfiques.
Et
l’on va alors être tenté de chercher à l’extérieur de nouvelles pratiques
collaboratives innovantes, pour lesquelles les mêmes écueils guettent les
initiateurs du projet.
Et
les équipes se lassent… à raison…
L’idée
Le
pilotage visuel donne de bons résultats à condition de privilégier la rencontre
à l’outil, de co-construire les applications à partir des besoins de chacun, et
de piloter la mise en œuvre de manière progressive et avec persévérance.
On
peut démarrer par quelque chose de simple, en s’inspirant des 3R :
Rituel : un temps de partage hebdomadaire,
autour de la vie de l’équipe, de l’activité, des projets et des résultats,
Rencontre : c’est avant tout un temps d’échange
et de conversation entre des personnes qui pour faire œuvre commune ont besoin
de partager des faits, mais surtout des émotions, des ressentis, des résultats,
des besoins, des envies,…
Repère : Un support manuel ou digital (sur Teams,
iObeya ou autres applications) sert de point de repère et de convergence.
Un
exemple
Le rituel :
Partage collectif hebdomadaire avec ceux qui sont présents,
Ceux qui sont absents remplissent et consultent à leur retour,
Animateur tournant,
Au-delà des infos de chacun, insister sur les contributions demandées et offertes entre les membres de l’équipe,
La rencontre
:
On se parle vraiment, de personne à personne,
Les émotions et ressentis circulent, mais on n’est obligé de rien,
Elle demande un peu d’expérience pour trouver un équilibre satisfaisant entre temps nécessaire et qualité de relation,
Chacun y va à son rythme,
Le
point de repère (un support simple comme celui de la maquette en
exemple) :
Tops et Flops : faits marquants de chacun sur la période passée,
Cailloux dans la chaussure : les tensions que je porte et que je souhaite partager,
Cailloux solides dans le ruisseau : les opportunités, les éléments stables sur lesquels je peux m’appuyer,
La boussole : mes priorités pour la période à venir
Vous identifiez un besoin ? Des cas d’applications ?
Foncez,
préparez vos maquettes avec vos équipes, expérimentez puis améliorez chemin
faisant, jusqu’à élaborer votre maquette finale. Et alors seulement optez pour
une application digitale…
Dans un précédent
article, je partageais 5 leviers pour accélérer les transformations.
L’un de ces leviers consiste selon moi à développer un
réseau d’artisans internes des transformations capables de démultiplier et
pérenniser les multiples initiatives prises à tous niveaux pour anticiper et
préparer demain.
Ces quelques lignes se veulent aussi un hommage à tous ces
artisans qui oeuvrent, parfois dans l’ombre, avec conviction, persévérance, et
professionnalisme, à accompagner les mutations que nous traversons.
Le constat
Les transformations sont constantes, intenses, et consomment
une partie significative de notre énergie et de nos préoccupations.
Les dirigeants les impulsent, les managers les mettent en
œuvre, mais ils ne peuvent être présents sur tous les terrains à la fois.
On assiste alors à des programmes de transformation pointus,
qui n’apportent pas toujours les effets escomptés par manque de présence, de
persévérance, d’accompagnement de terrain, et parfois de coordination entre les
acteurs.
Et l’on est alors tenté de démultiplier les nouvelles initiatives, programmes et formations de managers, avec des résultats souvent similaires, et c’est ainsi que l’on entretien l’homéostasie du système.
Pourquoi les nommer « artisans » ?
L’accompagnement des profondes mutations que nous
connaissons nécessite une présence constante, attentionnée, coordonnée.
Accompagner est un métier qui se nourrit d’expertise et de
méthode mais surtout d’un mélange subtil d’alignement personnel, d’amour de l’humain,
de savoir-être, de savoir-faire, d’intuition, d’expérience, de persévérance,…
On les appelle coachs internes, facilitateurs, représentants
RH, responsable innovation, formateurs, tuteurs, experts, manager-coachs,…ou
encore chef de projet ou mentor,…
Peu importe, personne n’a le monopole de conduire les
transformations. Certains le font dans la lumière, d’autres dans l’ombre, et
cela ne préjuge en rien de leur impact.
Au-delà de leurs titres, il est utile de mettre en lumière
les rôles qu’ils tiennent au quotidien : ils détectent le bon moment pour agir,
mettent en confiance, apportent des points de vue nouveaux, mettent de l’huile
dans les rouages, connectent les projets globaux avec les réalités locales,
facilitent les interfaces, rapprochent les manières de voir,…
Quelques idées simples pour impulser et accélérer ce mouvement en cours
Identifier les axes stratégiques sur lesquels les
dirigeants souhaitent les missionner en priorité : veut-on les solliciter
pour réparer ou préparer ? pour accompagner les personnes, les équipes, ou
l’organisation dans son ensemble ?
Reconnaître ces artisans dans leur rôle d’accompagnateur,
au-delà de leur titre. Donner de la visibilité et promouvoir leurs métiers,
Décloisonner et jouer les complémentarités entre
eux,
Renforcer les passerelles entre les
accompagnants, les managers et les experts,
Savoir où mettre le curseur entre
accompagnements internes et externes,
Promouvoir des actions de professionnalisations et
de supervision qui leur soient spécifiquement dédiées,
Vous trouverez ici quelques ressources complémentaires en lien avec ces idées,
Et vous, quelles expériences souhaitez-vous partager sur ces questions ?
La période estivale est pour moi un moment privilégié pour approfondir, concrétiser et donner forme à ce que j’ai vécu et appris au contact de tous ceux avec qui j’œuvre au quotidien,
Les apprentissages essentiels s’affinent, se consolident, le reste s’estompe,
5 dimensions m’apparaissent aujourd’hui comme de puissants leviers des transformations en cours et à venir,
Prendre appui sur les défis contemporains
Les transformations digitales, technologiques, climatiques, énergétiques, sociétales se présentent à nous globalement et non par silos ou tranches.
Par exemple, lorsque nous souhaitons travailler avec une équipe à l’intégration du digital dans leur activité, nous omettons que le digital n’est qu’une facette de ce qui va changer pour eux. Leur métier va être impacté dans les 3 prochaines années par les transformations digitales, mais aussi technologiques, sociétales, climatiques, énergétiques.
Or aujourd’hui nous venons voir ces équipes avec des plans d’action en silos : digital, RSE, QVT,…
Appréhender ces transformations globalement apporte de nouvelles perspectives, responsabilise chacun là où il est, et permet de faire émerger des postures et comportements inédits.
N’a-t-on pas vu lors des épisodes de canicule de cet été des réflexes d’entraide naturels, que nous essayons par ailleurs de faire émerger à grand peine de nos différents plans d’action ?
Priorité aux artisans internes des transformations
Les transformations sont constantes, intenses, et consomment une partie significative de notre énergie et de nos préoccupations.
Par chance, elles font appel à des savoirs et savoir-faire de mieux en mieux connus et codifiés. Les dirigeants et managers les mettent en oeuvre et les choses avancent partout, mais ils ne peuvent être présents sur tous les terrains à la fois.
Créer et professionnaliser des artisans internes de la transformation est un puissant levier de démultiplication et de pérennisation.
On les appelle coachs internes, facilitateurs, représentants RH, responsable innovation, ou encore chef de projet mais il me semble plus pertinent de les définir à travers les rôles qu’ils tiennent au quotidien, sur le terrain : détecter, mettre en confiance, résoudre, mettre de l’huile dans les rouages, connecter les projets globaux avec les réalités locales, faciliter les interfaces, accorder les réalités de chacun,…
Oxygéner les modèles mentaux
Les modèles mentaux dans lesquels nous avons évolué jusqu’à présent nous ont permis d’arriver là où nous sommes aujourd’hui, mais rendent difficile l’acquisition de postures et comportements adaptés aux nouvelles réalités du monde.
De nombreux projets de transformation et programmes destinés aux managers sont mis en œuvre, les uns après les autres. Ils font toujours progresser, souvent de façon déterminante. Mais ils peinent souvent à intervenir au niveau des modèles mentaux.
Le risque est alors qu’avec de nouvelles organisations, perdurent des postures et comportements du passé.
Le travail avec les modèles mentaux est passionnant. Il se réalise depuis longtemps dans le cadre de coachings individuels. Regarder les choses sous cet angle avec une équipe ou une organisation apporte de nouvelles options.
Diriger avec des raisons d’être et des ambitions évolutives
Des pratiques innovantes en matière de gouvernance émergent autour de nous de façon de plus en plus significative. Chacun trouve ce qui semble lui convenir au mieux, en s’inspirant et en hybridant ce qui s’expérimente ailleurs.
Et la loi Pacte apporte visibilité et nouveaux possibles à la question de la raison d’être de l’entreprise. Au-delà, cela permet également de questionner et donner davantage de lisibilité à la raison d’être de l’entrepreneur, comme le propose le Medef Alsace dans son université d’été.
Lorsqu’on a travaillé les raisons d’être et ambitions au niveau de l’entrepreneur, puis de l’entreprise, ce qui apporte ensuite le plus de valeur ajoutée est de travailler sur tous les rouages, en particulier sur les manières d’alléger et fluidifier le pilotage, affiner les pratiques de reporting.
La mise en œuvre de tout cela nécessite de l’imagination et de la persévérance car il est tentant parfois de revenir en arrière.
Mais transformer la gouvernance et les modes de pilotage de l’activité est un terreau qui invite ceux qui nous côtoient à se transformer, par essaimage plus que par injonctions.
Le fonctionnement cellulaire, l’approche de base d’un nouveau fonctionnement des organisations
Sur la question de l’organisation aussi les pratiques évoluent. Il est nécessaire néanmoins d’aller plus loin, plus fort et plus rapidement vers des modes de fonctionnement cellulaires, décentralisés, agiles,…
De nombreux exemples montrent que ces nouvelles organisations sont capables de combiner efficacité économique, capacité à s’adapter quotidiennement à un environnement instable, et donner plus de sens aux personnes qui y travaillent.
Or, on pense parfois faire l’économie de ce type de fonctionnement en multipliant les actions d’amélioration à organisation constante.
Il faut sans doute accepter que cette transformation se réalise en sachant débusquer et résister à certains de nos modèles mentaux qui nous invitent à continuer de faire toujours plus de la même chose.
Une semaine de canicule fait somme toutes cogiter, débattre et avancer,
Quand un débat au sujet des transformations climatiques et énergétiques naît
de manière spontanée au sein d’une équipe, et qu’il permet de parler ouvertement
de ses peurs, interrogations, espoirs,
Quand ce débat fait émerger assez naturellement des actions plus globales,
intégrées, qui puissent être pensées et mises en œuvre par les gens de terrain,
Quand ces débats débouchent ensuite sur des propositions courageuses, sortant
des sentiers battus, et pourtant pleines de bon sens,
Quand 3 idées fortes ressortent de ce débat :
Que cela devient intenable de dissocier en nous le dirigeant, le manager, le citoyen, le parent, et que nous souhaitons traiter de manière beaucoup plus intégrée toutes les transformations auxquelles nous sommes invités à faire face : économiques, sociétales, digitales, climatiques, énergétiques.
Que l’entreprise est le bon endroit, légitime, pour apporter des réponses concrètes et innovantes à toutes ces transformations, parce que les personnes qui y travaillent savent, mieux qu’ailleurs, trouver des solutions innovantes et pragmatiques aux problèmes nouveaux.
Que traiter ces nouvelles questions dans le périmètre de l’entreprise va nous aider à mieux faire avancer les transformations organisationnelles que nous peinons à concrétiser aujourd’hui. Simplement parce qu’elles ont toutes le même point commun : elles nous invitent à revisiter nos façons de penser, de voir et d’agir dans le monde.
Quand ces échanges permettent de proposer 5 expérimentations très concrètes :
Organiser des moments de conversation avec les
équipes, et créer avec elles des récits, des histoires qui permettent de donner
vie à des représentations du futur, qui intègrent à la fois les tranformations
digitales et environnementales. Permettre à chacun de raconter comment ça pourrait
être demain, comme le ferait un bon roman de science fiction, mais dont nous
choisissons l’issue parce que nous en sommes l’auteur. Et que peut-être faire
cogiter ensemble des équipes inter-générationnelles sur ces questions pourrait
se révéler très impressionnant en terme de résultat et bien plus fort en impact
sur le bien-être de chacun que les injonctions au bonheur et au bien-être,
Aller plus loin qu’aujourd’hui dans la création
d’organisations cellulaires, agiles,… La question n’est plus de les nommer ou
de surfer sur telle ou telle appelation managériale contrôlée mais d’aller plus
loin et plus fort dans la concrétisation, en laissant nos tergiversations dans
les vestiaires. On sait aujourd’hui que ces nouvelles organisations savent
apporter à la fois plus de sens, d’efficacité et de bien vivre ensemble, mais
qu’elles sont très exigeantes dans la remise en question de nos évidences. Accepter
que le schéma qui dissocie les prescripteurs d’un coté et les éxécutants d’un
autre, ça ne fonctionne plus dans un environnement de plus en plus instable.
Remettre l’église au centre du village : le manager doit être le patron de
son unité et prendre avec son équipe les initiatives de terrain qu’il juge
nécessaire. Expérimenter réellement la subsidiarité et accepter qu’elle ne se
décrète pas avec des process et des injonctions, mais qu’elle se diffuse par l’exemplarité
des petits changements quotidiens.
Créer une équipe d’accompagnants internes dont le
métier est de faciliter les transformations, mettre de l’huile dans les
rouages, connecter,… qu’on les nomme coachs, facilitateurs, peu importe.
Missionner ces professionnels de l’accompagnement sur toutes les
transformations à venir. Intégrer l’accompagnement des transformations
énergétiques, climatiques, sociétales, dans leurs cursus de
professionnalisation et leur supervision. Parce qu’il faudra bientôt gérer au
sein de l’entreprise d’autres peurs que celles liées à une transformation
numérique, digitale ou organisationnelle,…
Faire un travail de fond avec l’équipe de
direction, les lignes managériales, et l’ensemble des équipes sur leur raison
d’être, leurs ambitions vis-à-vis des actionnaires et clients bien sûr (ils le
savent déjà mais c’est extrèmement bénéfique de leur faire co-construire les
choses avec leurs mots, leurs représentations), mais aussi vis-à-vis des
collaborateurs et collègues (ce qu’on aimerait qu’ils vivent au sein de
l’équipe), et enfin vis-à-vis de la société en général (comment on se prépare à
vivre dans des conditions plus instables, et quelle est notre contribution à
accélérer la transition, à notre niveau). La loi Pacte est une belle
opportunité à ce titre.
Enfin, faire de la résilience un sujet pratique,
concret, en partant de ce que l’on vit par exemple cette semaine : comment profitons-nous
d’une période de canicule pour expérimenter des horaires de travail plus
flexibles, comment responsabiliser en donnant à chacun davantage plus d’initiatives
dans la manière de faire face, comment développer davantage d’entraide sur ces
questions, comment développer des modes de travail plus flexibles, distanciels,…
Cela nécessite pour nous autres coachs, facilitateurs et autres prestataires externes, d’intégrer systématiquement les questions de transformation globales dans nos coachings, formations, supervisions,…
Et si une semaine de transpiration était l’occasion de franchir un pas significatif dans notre manière de considérer les transformations ?
Comment partager et communiquer autour de notre plan stratégique ? Comment clarifier la raison d’être de notre équipe de direction ? Comment mobiliser les gens autour de notre nouvelle vision post PSE ? Ces questions sont l’occasion de partager ici quelques points de repère.
Quel que soit l’endroit où elles se posent et leur formulation, ces questions intègrent un volet opérationnel et un volet identitaire
Le volet opérationnel : dans une organisation en recherche d’agilité une équipe a besoin d’une boussole partagée, qui va lui permettre d’arbitrer en faveur des meilleures décisions, avec autonomie, et au plus près du terrain. Cette boussole doit lui permettre de réajuster l’allocation des ressources en fonction des résultats, et de se synchroniser rapidement avec l’environnement (le stock de commandes, les retards,…) et les collègues (niveau de charge de chaque membre de l’équipe,…). C’est la condition de base de la subsidiarité.
Le volet identitaire : cette équipe a aussi besoin d’un récit d’avenir, qui donne envie de venir tous les matins, qui engage et mette en confiance dans l’entreprise pour laquelle elle travaille. Non pas une confiance aveugle qui lui garantirait la prospérité et la sécurité, mais une confiance lucide dans le projet qu’à l’entreprise pour saisir les opportunités et faire face aux dangers. Ces récits ont besoin d’être très pragmatiques et concrets. Je me souviens de l’exemple de Favi – une entreprise du Nord de la France, célèbre pour avoir expérimenté, avant l’heure, le principe des organisations responsabilisantes – où un aspect du projet s’exprimait ainsi « pouvoir continuer à produire et vivre à Hallencourt »
Quelques recommandations sur le volet opérationnel
Parmi les différents modèles de vision que j’ai eu l’occasion de
pratiquer avec des équipes, celui qui me semble aujourd’hui le plus
opérationnel, se compose de 3 éléments fondamentaux.
Tout d’abord une raison d’être, formulée en terme de « qui je veux être et à quoi je veux contribuer ? ». La raison d’être doit mettre en énergie. Elle s’énonce, mais doit surtout parler à nos valeurs et nos émotions. Je dois avoir envie de la raconter à mes amis avec fierté en terme de « dans mon travail, je contribue à… », et ce quel que soit le poste que j’occupe. Aujourd’hui, des groupes comme Danone ou tout récemment la Maif sont allés encore plus loin en devenant des entreprises à mission, au sens de la loi Pacte. Ce travail de formulation d’une raison d’être est passionnant, engageant et ouvre souvent de nouveaux possibles.
Ensuite des ambitions, échéancées par exemple sur 6 mois, 1 an, 3 ans. J’aime situer les ambitions en terme de promesses que nous avons envie de faire à nos différentes parties prenante, et en particulier les clients (ce que je souhaite qu’ils disent de moi dans 6 mois, 1 an, 3 ans -> ça s’appelle l’expérience clients), les collaborateurs (ce que je souhaite que les collaborateurs disent de leur travail à leurs amis dans 6 mois, 1 an, 3 ans -> ça s’appelle l’expérience collaborateurs), les actionnaires (ma contribution au résultat, quantitative et qualitative, dans 6 mois, 1 an, 3 ans).
Enfin, des valeurs qui vont guider notre action au quotidien. Un travail sur les valeurs n’est pas un exercice de com qui consisterait à communiquer sur les valeurs de l’entreprise ou du groupe. Ce dont nous parlons ici ce sont les valeurs concrètes, spécifiques à une équipe, qui vont lui permettre de produire des résultats, vivre ensemble, se transformer,… Et chose importante : distinguer et trouver un équilibre entre des valeurs qui préservent, disent ce qui ne change pas, et permettent de vivre ensemble (solidarité, bienveillance,…) et des valeurs qui transforment et permettent de faire face aux défis (audace, courage,…)
Et bien entendu, des objectifs, indicateurs clés de performance, plans d’action,,… qu’il s’agit de simplifier, traduire en pilotage visuel qui fasse que tout le monde les comprenne et les utilise à bon escient.
Quelques recommandations sur le volet identitaire
C’est moins le contenu qui va être déterminant, que la méthode pour faire émerger, co-construire, partager une vision. 2 premières recommandations me viennent à l’esprit, là aussi issues de quelques chantiers récents.
La première est de veiller à ne pas dupliquer un processus qu’on a vu ailleurs, mais construire le processus qui correspond à la culture de l’entreprise, au qui on est aujourd’hui et qui on veut devenir, et à nos enjeux. On peut réaliser le travail en comité de direction, avec les lignes managériales, avec les équipes, mais aussi avec l’ensemble du personnel. Toutes les combinaisons sont possibles en fonction de ce qu’on souhaite générer, mais faire la place au préalable à la vision personnelle, intime, du dirigeant.
La seconde est d’intégrer dans la raison d’être les enjeux économiques bien sûr, mais aussi sociétaux, énergétiques, environnementaux, pour ne pas simplement les déléguer à divers plans d’action dédiés à ces questions. Profiter de l’opportunité de la Loi Pacte pour la traduire dans l’un des 3 niveaux d’engagement qu’elle prévoit (l’entreprise poursuit ses activités en considération des enjeux sociaux et environnementaux, l’entreprise inscrit la raison d’être dans ses statuts, l’entreprise à mission, qui prend des engagements sociétaux précis, mesurés, évalués).
Fixer le cap,
pivoter, se synchroniser
Cette dernière partie nous ramène aux fonctions essentielles d’une vision, qu’elles qu’en soient les terminologies et les modalités. Le travail de co-construction d’une vision doit contribuer à ce que chacun intègre 3 nouvelles réalités du monde du travail.
Nous avons plus que jamais besoin d’un cap, c’est cela qui va à la fois nous sécuriser, nous guider, et nous donner envie de nous engager. Des objectifs, indicateurs clés, plans stratégiques sans formulation d’une vision en amont produisent peu d’effets sur l’engagement des personnes. Et aujourd’hui les talents n’hésitent pas à vous quitter pour aller vers des entreprises dont ils ont envie de partager le projet.
Nous devons pouvoir pivoter rapidement en fonction de l’actualité, des opportunités, des circonstances. Pivoter, changer de cap n’est pas une erreur de la direction ou de son manager, c’est intégrer que l’on doit être capable de se réorganiser rapidement, pour parer aux difficultés et saisir les opportunités plus rapidement que les autres. Les organisations agiles ne disent rien d’autre que cela.
Nous devons pouvoir nous synchroniser rapidement. C’est d’ailleurs l’une des forces du digital qui se synchronise en temps réel avec ce qui se passe autour de lui. Notre smartphone en est un bon exemple : nos applis se mettent à jour constamment, et nous connaissons en réel l’actualité de nos contacts. Une démarche de vision permet d’introduire cette nécessité de synchronisation, de la rendre tangible, et de montrer qu’elle ne s’oppose pas au cap, bien au contraire.
J’aurais pu
choisir un titre différent, par exemple « donner du sens à nos
collaborateurs » ou « de quoi se compose une vision ? », mais
ces expressions ne me semblent pas décrire le véritable enjeu, pour 2 raisons
« Donner du sens à nos collaborateurs » : l’entreprise n’est pas là pour nous donner du sens. Elle doit nous proposer un projet, un récit qui raconte qui elle est aujourd’hui, d’où elle vient, et où elle souhaite aller. Elle choisit également une méthode de co-construction de cet avenir qui doit nous permettre de le comprendre et d’y apporter sa pierre. Mais nous avons pour cela notre propre chemin à faire.
« De quoi se compose une vision ? » : La manière de faire sens pour ses collaborateurs ne saurait se réduire à une méthode en 4 points, assortie d’efforts de communication institutionnelle et managériale. Il n’y a pas de contenu type d’une vision, car tout le monde n’a pas les mêmes besoins.
Une multitude de solutions existent et sont à imaginer pour répondre à ces questions de vision. Elles savent aujourd’hui répondre à la fois au besoin d’un pilotage opérationnel réactif, et au besoin de récit d’avenir engageant. Au plaisir d’accueillir vos réactions, enrichissements, expériences sur ces questions.
J’ai
longtemps été désorienté par les multiples intitulés utilisés pour désigner les
organisations innovantes : « libérée », « usine du
futur », « digitale », « agile »,
« organique », « opale »,…
Mes
rencontres, recherches, visites, expérimentations pratiques, m’ont permis de
vérifier qu’au-delà des mots utilisés, elles cherchent toutes à
être agiles, responsabilisantes, collaboratives, apprenantes.
Pourquoi le faire
maintenant ?
Parce que ça
pousse : l’arrivée du digital, les motivations des jeunes
générations, les enjeux de la transformation climatique, mais aussi l’énergie
qui est en nous mais qui ne s’exprimera que si l’on perçoit le sens de ce que
l’on fait,… Tout cela concoure à impulser ce nouveau regard maintenant.
Parce que ne
pas le faire est risqué : nouveaux locaux, nouvelle organisation… Selon que le
sens sera perçu ou pas, le curseur ira vers la reproduction d’anciens
comportements, une distanciation des collaborateurs vis-à-vis de
l’entreprise, la mise en danger des résultats économiques, de
l’organisation elle-même ou même de la santé des personnes… ou au
contraire vers de nouveaux repères et une nouvelle efficacité.
Parce que
c’est émergeant : usine du futur, organisation agile, entreprise libérée, peu
importe le flacon, l’essence est la même, elle se cherche et se diffuse :
une structure agile, responsabilisante, collaborative et apprenante
Et concrètement comment
fait-on ?
Tout d’abord,
identifier le bon moment, le bon périmètre, les bonnes personnes, et vérifier
que les enjeux sont suffisamment importants pour mobiliser les troupes. Et par
ailleurs savoir accepter de ne pas y aller parce que ce n’est pas le bon moment
ou le bon endroit.
Ensuite, une
observation fine des pratiques va nous aider à définir par quelle porte il est
pertinent d’entrer.
Fédérer
autour d’une vision partagée et une ambition concrète qui nous raconte pourquoi
on vient le matin et pourquoi on a envie de rester une fois qu’on y est.
Puis,
concevoir et lancer des expérimentations pour aboutir à des prototypes que les
équipes vont tester, puis avancer avec elles par itérations successives, en
banissant ce que nous nommions la conduite du changement, avec ses principes
prescriptifs et ses recettes toutes faites.
Enfin, et
c’est essentiel, accepter que tout cela n’aille pas de soi, et nécessite de
requestionner ses postures de dirigeant et de manager
Et concrètement, agile,
responsabilisante, collaborative, apprenante…ça veut dire quoi ?
Agile
La définition
de l’agilité la plus opérationnelle à mes yeux est celle de l’équipe Spindle
« être capable de se reconfigurer en permanence pour s’ajuster rapidement
à un environnement changeant, pour saisir les opportunités plus rapidement que
les autres, et sans perdre son identité »
Elle ne va
pas de soi. C’est un état d’esprit qui s’acquiert, se développe et
s’entretient.
D’abord au
niveau des postures de chacun, au terme de rapidité et de pragmatisme dans la
prise de décision et la mise en œuvre. Cependant, des postures agiles dans une
organisation qui ne l’est pas, entraînent de l’agitation et de la
sur-adaptation qui à terme se traduisent par de la contre-performance, du
désengagement, voire des risques pour les personnes.
L’agilité de
l’organisation se construit pas à pas, avec les personnes, en faisant appel aux
expertises et à la curiosité là où elles se trouvent. Les nouvelles formes
d’organisation nous donnent chacune des méthodes très opérationnelles dont on
peut s’inspirer sans pour autant appliquer la méthode dans sa globalité.
Responsabilisante
L’organisation
responsabilisante mise en œuvre chez Michelin et Airbus me semble la plus
opérationnelle : « développer la subsidiarité à tous niveaux de
l’organisation, en privilégiant des petites unités autonomes qui
s’auto-régulent, s’auto-contrôlent, voire s’auto-dirigent »
La
subsidiarité, c’est considérer que toute personne confrontée à une tâche, un
problème, un dysfonctionnement, en est responsable de fait, et qu’elle peut
solliciter de l’aide auprès de son manager ou d’un tiers lorsqu’elle en ressent
le besoin.
L’intelligence
distribuée consiste à fonctionner en unités autonomes, mini-usines, équipes de
tailles restreintes au sens de l’intelligence distribuée telle que Frédéric
Laloux la définit
Collaborative
Il s’agit de
passer d’une collaboration prescrite, souvent laborieuse, à une complicité
tactique entre les personnes, au sein d’équipes élargies, c’est-à-dire avec des
frontières à géométie variable.
L’enjeu est
de susciter des communautés de travail dans lesquelles chacun est invité à
donner le meilleur de lui-même, avec ses qualités et ses défauts, ses
compétences et manques, ses bons et mauvais jours,…
Une boussole
commune, sous forme de feuille de route collective que l’on synchronise
régulièrement, détermine les objectifs, priorités, arbitrages, charges,…
Apprenante :
Travailler
dans une organisation apprenante, c’est avancer en essayant, en se trompant, et
en réinjectant rapidement dans le quotidien ce qu’on a appris.
C’est la
capacité d’une organisation à générer un apprentissage permanent et à assurer
un niveau de professionnalisme constant des personnes et des équipes.
C’est la
capacité des personnes à avancer et apprendre par itération en résistant à la
tentation de tout planifier et prescrire.
C’est
enfin la capacité des dirigeants à susciter un environnement dans lequel on se
sent en sécurité psychologique, et où l’on ose tenter, et l’on ose se tromper.
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